ZERO DARK THIRTY (2012)

(4) critiques (2) commentaires

Léo le 27/01/2013 à 07:49

4.27

Réalisé par Kathryn Bigelow
Avec Jessica Chastain, Jason Clarke, Joel Edgerton, Kyle Chandler, James Gandolfini.
Film américain
Genre : Espionnage
Durée : 2h 29min.
Année de production : 2012
Musique : Alexandre Desplat

Sortie Cinéma France : 23/01/2013
Sortie DVD France : n.c.

Les notes

3.9

4.3

4.6

4.0

Critique ZERO DARK THIRTY (2012)

Avis rédigé par Manu | le 27/01/2013. | Note : 4.6

Zero Dark Thirty marque la seconde collaboration entre la réalisatrice Kathryn Bigelow et le journaliste, scénariste et producteur Mark Boal après The Hurt locker en 2008. Censé relater l’échec de la longue traque d’Osama Ben Laden suite aux attentats du 11 septembre, le film fut rattrapé par la réalité en 2011 lorsque les agents de renseignement américains finirent par localiser le plus sinistrement célèbre de tous les terroristes de la mouvance islamiste et prirent d’assaut sa résidence pakistanaise avec le résultat que l’on sait. En conséquence de quoi le scénario fut largement réécrit afin d’y intégrer ce « happy end ».

Voilà une œuvre qui me semble clairement sortir du lot des nombreux suspenses geo-politiques à gros budget tournés ces dernières années en Amérique parce qu’elle esquive magistralement toutes les facilités menaçant ce genre de programme. Zero Dark Thirty se démarque dans l’approche et le fait avec une audace et une maestria forçant le respect, sans craindre de déstabiliser le spectateur, de déjouer certaines de ses attentes.

Pas de patriotisme triomphant ici, d’héro(ïne) humaine ou surhumaine, d’exploits insensés, pas même de happy end (mais une dernière séquence qui synthétise parfaitement le point de vue des auteurs, laissant apparaitre le caractère paradoxalement à la fois vain et nécessaire de cette traque). Encore plus troublant pour le spectateur : pas de condamnation des nombreux actes de torture alimentant la partie « Bushienne » du récit. Bigelow laisse parler l’h(H)istoire, laquelle nous démontre d’ailleurs implicitement la relative inefficacité de ces méthodes, puisqu’elles ne mèneront les protagonistes que sur de fausses pistes, voire même pire. Mais en aucun cas la réalisatrice n’entend porter un jugement pour nous manipuler dans un sens ou un autre.

Pas de compromission non plus quant au portrait qu’elle dresse de son personnage principal, dont on ne saura quasiment rien de sa vie extra-professionnelle. Seules quelques éloquentes infos sur son parcours à la CIA nous sont révélées à la fin du film. Du coup, exit tout le pathos accompagnant généralement ce type de personnage déchiré entre sa mission, ses états d’âme et sa vie personnelle. Seule l’ultime scène (encore celle-ci !), la voyant enfin débarrassée de son obsession, l’humanise in extremis… sans pour autant la rendre plus sympathique.

Enfin, tout aussi exemplaire et surprenant s’avère le morceau de bravoure final, l’attaque de la résidence de Ben Laden et de sa garde rapprochée. Le spectateur espérant voir un déferlement de balles, de sang et de feu peut circuler. Certes on trouve de ça dans cette séquence, mais Bigelow lui appose un traitement d’une méticulosité chirurgicale au final très peu spectaculaire. C’est froid, sombre, silencieux, une somme de petits gestes aux grandes conséquences exécutés sans état d’âme. Bref, du grand art en termes de réalisation, maintenant une tension extrême tout du long, vous laissant durablement quelques images en tête comme ses plans d’hélicoptère filant dans le noir à travers les montagnes.

Zero Dark Thirty, ce n’est donc pas du tout cuit, et l'on peut légitiment en ressortir un peu décontenancé. Mais, tout comme The Hurt locker, c’est aussi une œuvre d’une ambition et exigence hors norme, réellement impressionnante. Et Kathryn Bigelow est bien l’une des cinéastes majeures de son temps.

Rechercher avec google