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DEAD BANG (1989)

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Manu le 30/10/2011 à 11:39
3.9
Réalisé par John Frankenheimer
Avec Don Johnson, Penelope Ann Miller, William Forsythe, Bob Balaban, Frank Military.
Film américain
Genre : Policier
Durée : 1h 42min.
Année de production : 1989
Musique : Gary Chang

Sortie Cinéma France : n.c.
Sortie DVD France : n.c.

Les notes

3.9



 Critique DEAD BANG (1989)
Avis rédigé par Manu   |  le .   |  Note : 3.9
Décrite par John Frankenheimer comme une expérience professionnelle épouvantable, peut-être la pire qu'il ait connu, Dead Bang se présente dans son œuvre comme un complément indispensable à 52 Pick Up, le film précédent du cinéaste. Initialement développé par le cinéaste pour le compte de la Paramount, ce projet sera finalement rejeté par son dirigeant de l’époque, le producteur Ned Tanen, pour finir dans l’escarcelle de la moins prestigieuse firme Lorimar. Et c’est cette dernière qui envisagera tout de suite Don Johnson, vedette de la série télé Miami Vice alors au sommet de sa popularité, pour interpréter Jerry Beck, ce flic obstiné, violent et dépressif cherchant à démanteler un groupuscule néo-nazi. L’affaire est rapidement conclue et John Frankenheimer, sans le savoir, s’embarque dans l’un de ces tournages cauchemardesques dont sa carrière semble être pavée, rythmé ici par les caprices d’un star mégalomaniaque et les décisions artistiques hasardeuses d’excutives se succédant en cours de production, au rythme des problèmes financiers et remaniements de staff auxquels va à cette époque devoir faire face la Lorimar.

Chouchouté par un studio uniquement désireux de rester en grâce auprès de lui, et cherchant visiblement à profiter au maximum de ce statut privilégié, Don Johnson va rapidement s’avérer pour John Frankenheimer un acteur extrêmement difficile à gérer. Celui-ci décidera notamment de remercier l’actrice Connie Selleca pour imposer Penelope Ann Miller dans le rôle de Linda, la jeune femme avec laquelle Jerry Beck entame une relation amoureuse en début de métrage. C’est également lui qui, ayant obtenu par contrat de Lorimar l’assurance d’un respect à la lettre près du scénario tel qu’approuvé par ses soins au départ, refusera la moindre coupe dans le script pendant le tournage pour finalement conduire John Frankenheimer et son monteur dans une impasse artistique. Obligés de ramener à une durée raisonnable les trois heures de métrage ainsi obtenues, ils se verront contraints d’éjecter de ce premier montage des séquences entières, là où un travail de coupe en amont aurait sans doute générer un résultat moins chaotique.

Venant se greffer à ces problèmes déjà difficiles à surmonter, la production subira durement l’absorption en milieu de tournage de la firme Lorimar par la Warner. Cette dernière, peu intéressée par ce projet, ne cherchera guère à s’impliquer dans les litiges opposant John Frankenheimer à sa capricieuse vedette et officialisera en quelque sorte son désintérêt pour le film, et ses doutes quant à un éventuel succès en salles, en refusant de le présenter à la presse à sa sortie en salles fin mars 1989 afin, va-t-elle expliquer, de s’éviter toute mauvaise critique avant son premier week-end d’exploitation. Ce qui aura pour conséquence, comme souvent dans tel cas de figure, de provoquer l’effet inverse, à savoir un déferlement de bons mots assassins à l’encontre du film une fois l’objet visionné par les critiques et un cinglant échec au box-office.

A la lecture de cette longue suite de déboires artistiques et financiers, on s’imagine évidemment une œuvre totalement bancale ne reflétant dans le meilleur des cas qu’épisodiquement la personnalité de son auteur. Il n’en est heureusement rien et sans aller jusqu’à prétendre que cette gestation douloureuse aura finalement été bénéfique au film, disons que celle-ci contribue en partie à la singularité de certains aspects de son scénario et à l’efficacité redoutable de son montage elliptique.

Perçu et vendu en son temps comme un polar d’action, de la même façon que 52 Pick Up deux ans auparavant, Dead Bang offre pourtant à voir au spectateur bien plus que cela. Certes, de l’action, le film en regorge. Avec au programme une course–poursuite à pieds dans les quartiers malfamés de Los Angeles remarquablement chorégraphiée et quelques fusillades filmées avec cette même énergie pugnace et précision qui transfiguraient déjà toutes les séquences d’action de Black Sunday, The Challenge et 52 Pick Up. Mais à bien des égards, Dead Bang s’éloigne du traditionnel film policier musclé avec flic dur à cuire sur la corde raide pour héros, genre alors bien à la mode dans le cinéma américain, grâce notamment au beau succès rencontré au milieu des années 80 par deux « buddy movie » : 48 hrs de Walter Hill et Lethal weapon de Richard Donner, pour rejoindre des territoires thématiques situés au cœur de l’œuvre de John Frankenheimer.

Pour commencer, Jerry Beck, le personnage principal du film et accessoirement véritable détective de la police de Los Angeles, entretient plus d’une similitude avec la tripoté de magnifiques anti-héros peuplant les meilleurs films du cinéaste. Flic aussi violent et borné que le Popeye Doyle de French Connection 2, souvent en décalage total avec son entourage, père divorcé acceptant plus que difficilement une interdiction du tribunal le sommant de ne plus approcher ses enfants sans autorisation et plus accessoirement alcoolique en devenir traversant une partie du film l’œil embué d’alcool et l’estomac barbouillé, il s’agit bien là d’un nouvel exemple d’individu psychologiquement instable luttant au sein d’un environnement qu’il juge systématiquement oppressif. Et, tout comme Popeye Doyle et quelques autres avant lui, d’un spécialiste des erreurs de jugement que l’incapacité à se remettre en cause conduira sur une fausse piste tout au long de sa mission, le final, bien que marqué par une confrontation attendue avec le tueur qu’il recherchait, nous apprenant tout de même que Jerry Beck s’est depuis le début trompé de « client » dans sa traque à l’assassin.

Ce personnage atypique s’intégrant parfaitement à l’univers du réalisateur de Seconds et The Challenge peut en outre se voir comme l’élément moteur de l’autre niveau de lecture du film : cette réflexion mi-moralisatrice mi-provocatrice, entamée avec 52 Pick Up, sur le codes éthiques du cinéma populaire américain des années 80. A première vue, rien ne dissocie Jerry Beck de tous les clones des Martin Riggs – personnage incarné par Mel Gibson dans la série des Lethal weapon - et John McClane – Bruce Willis dans Die Hard - du cinéma hollywoodien de l’époque : mêmes problèmes familiaux, même état dépressif et tendance vaguement masochiste à foncer tête baissée dans les problèmes … bref, même côté faussement « loser ». Sauf que, comme il l’avait déjà fait dans son le traitement de la violence sur 52 Pick Up, John Frankenheimer s’amuse à aller plus loin, à répondre aux attentes du spectateur au-delà de ses espérances afin de le mettre face à ses responsabilités. Jerry Beck boit trop et a par conséquent souvent l’estomac retourné ? Et bien rien d’étonnant alors à ce qu’il vomisse sur un suspect au terme d’une éprouvante course-poursuite à pieds. Jerry Beck n’en fait qu’à sa tête, a des méthodes de travail plus que contestables ? Qu’il ne vienne pas se plaindre si lui faut adopter profil bas au terme de son enquête, c’est en effet sans l’avoir voulu au départ, en poursuivant un suspect innocent du crime dont il l’accusait, qu’il a permis le démantèlement d’une organisation d’extrême droite. Jerry Beck se heurte visiblement à de gros problèmes de communication auprès de la gente féminine ? Sa rencontre avec une ex-femme de flic en début de métrage ne débouchera sur rien, John Frankenheimer balançant cette amorce d’intrigue amoureuse à la corbeille sans prévenir le spectateur (un sous-intrigue avortée qui, soyons tout à fait honnête, est sans doute aussi une conséquence directe des problèmes rencontrées par le cinéaste au moment du montage). Reste que le ton du discours s’éloigne un peu de celui de 52 Pick Up, se voulant globalement plus ironique qu’agressif.

Aucune différence en revanche entre le rythme de Dead Bang et celui de son frère d’arme cinématographique. Tout comme 52 Pick Up, Dead Bang est une œuvre survoltée bâtie sur une sensation d’urgence et d’instabilité constante : Harry Mitchell se devait de répondre rapidement aux exigences des ravisseurs de sa maîtresse et de sa femme sous peine de voir l’une et l’autre connaître un sort fatal, Jerry Beck, constamment sommé d’apporter à ses supérieurs des preuves de ses allégations – preuves qu’il ne possède pas - doit lui tenter de résoudre au plus vite son enquête. Et, de façon étroitement liée à toutes ces obligations de résultat, chacune des deux intrigues se trouve être très resserrée dans le temps, se déroulant sur guère plus d’une quinzaine de jours.

La forme suit évidemment la même logique. Pas de fioritures ici, tout est pensé pour aller à l’essentiel. Ce qui nous vaut comme précédemment dans 52 Pick Up quelques beaux moments de mise en scène venant nous rappeler que John Frankenheimer fut dans les années 50 l’un des maîtres de la fiction télévisuelle en direct, exercice qui se devait alors de répondre, pour un résultat probant, à une exigence de clarté absolue dans la lisibilité de l’action, associée à une certaines mæstria dans la façon de composer avec les aléas du direct. Cette combinaison d’efficacité et de virtuosité se retrouve donc tout au long du film, que se soit dans la présentation du personnage principal, bouclée sans l’aide d’une seule ligne de dialogue, en quelques plans d’une richesse visuelle et sonore exemplaire, comme dans l’exécution de certains passages clef du film, tel celui de l’assassinat du petit commerçant en début de film, introduit par superbe plan séquence à la grue ressemblant fort à un hommage à Orson Welles – l’une des figures cinématographiques de référence de John Frankenheimer – et au magistral plan séquence d’ouverture de son Touch of evil.

On peut également noter que Dead Bang aborde en substance l’un des thèmes de prédilection de John Frankenheimer, celui de l’émergence des mouvements extrémistes de tout bord au sein des démocratie occidentales dans les années 60, 70 et 80, émergence par ailleurs directement liée à cette guerre froide qui aura hanté toute l’œuvre du cinéaste. Le film vise ici plus précisément les mouvements néo-nazis américain semi-clandestins en lutte contre le gouvernement fédéral, ceux-là même qui commettront quatre ans plus tard l’attentat d’Oklahoma City. Et si Dead Bang ne va certes pas aussi loin que The Manchurian candidate, 7 days in May, Black Sunday ou ultérieurement Year of the gun et George Wallace, dans l’analyse et la dénonciation de cette forme d’aliénation de la pensée, de cette menace pesant de façon quasi permanente sur nos démocraties, le film propose tout de même une vision lucide et inquiétante de ces groupes d’extrême droite prônant la suprématie de la race blanche et de leur solide implantation dans les campagnes américaines. Et l’on remarquera au passage qu’une fois encore, après The Gypsy Moths, I walk the line et, dans une moindre mesure, Prophecy, John Frankenheimer nous brosse un portrait de l’Amérique rurale contemporaine peu reluisant, dans lequel il ne fait sans doute pas trop bon vivre si l’on ne réponds pas à certains critères de race et de religion.

Autre signe extérieur de problèmes rencontrés en cours de post-production, l’enrobage musical de Dead Bang a la particularité d’être constitué de deux partitions distinctes, aux couleurs sensiblement différentes, en tout cas assez facilement repérables à l’oreille : l’une signée Michael Kamen, par ailleurs co-auteur de la musique des quatre Lethal Weapon, et l’autre composée par Gary Chang, le collaborateur attitré en devenir de John Frankenheimer dans ce domaine. Deux partitions mélangeant percussions et instruments synthétiques qui se rejoignent cependant dans leur rugosité et leurs qualités fonctionnelles collant au plus près à l’ambiance fiévreuse du film.

Dead Bang ne compte sans doute pas parmi les œuvres majeures du cinéaste. Le film souffre incontestablement d’un certain déséquilibre dans son montage final, privilégiant trop souvent l’action au détriment de l’étude de caractère et laissant peu de place aux quelques intéressants personnages secondaires de son histoire, dont cet agent du FBI savoureusement interprété par William Forsythe, agent très à cheval sur les bonnes manières mais, lorsqu’il s’agit de passer à l’action, plus frileux et inefficace encore que son homologue de Black Sunday. Ceci étant, le résultat n’en demeure pas moins très éloigné du simple produit d’action à la gloire d’une vedette télé promue un peu rapidement star du grand écran, ainsi que l’on a encore tendance à le considérer aujourd’hui.


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