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99 AND 44/100 PERCENT DEAD (1974)

(1) critique (0) commentaire
Manu le 29/09/2011 à 21:07
2.8
Réalisé par John Frankenheimer
Avec Richard Harris, Edmond O'Brien, Bradford Dillman, Ann Turkel, Chuck Connors.
Film américain
Genre : Drame
Durée : 1h 38min.
Année de production : 1974
Titre français : Refroidi à 99%
Musique : Henry Mancini

Sortie Cinéma France : 23/09/1974
Sortie DVD France : n.c.

Les notes

2.8



 Critique 99 AND 44/100 PERCENT DEAD (1974)
Avis rédigé par Manu   |  le .   |  Note : 2.8
Il serait facile de simplement voir dans ce retour de John Frankenheimer à un cinéma de pur divertissement l’expression d’une lassitude personnelle, de sa résignation face aux diktats hollywoodiens qu’il avait jusqu’alors si ardemment combattu. Certes Refroidi à 99% n’est pas vraiment une réussite et n’a pas la même ambition que des œuvres aussi âpres et exigeantes que Le Pays de violence ou The Iceman cometh. Mais John Frankenheimer a-t-il pour autant jeter l’éponge ici, comme la critique aime à le penser. Difficile à dire : celui-ci a en effet souvent entretenu les paradoxes, ne serait-ce qu’en passant régulièrement de superproductions internationales à des œuvres intimistes. Et on peut très bien considérer cette escapade du côté du film noir ironique comme un nouveau défi que se serait lancé un auteur conscient que ses derniers travaux tendaient à l’enfermer dans un veine « auteurisante » un rien hermétique. Reste, évidemment, que le résultat n’est pas très convaincant. D’ailleurs, John Frankenheimer lui-même jugeait le film de façon lapidaire, le qualifiant tout simplement d’« erreur ».

Refroidi à 99% ne manque pourtant pas d’ambition à la base. Et l’on voit assez bien ce qui a pu séduire le cinéaste dans ce mélange atypique de violence froide et d’humour noir, voire macabre, écrit par celui qui, deux ans auparavant, avait signé le scénario du très réjouissant Carnage de Michael Ritchie. Refroidi à 99% est avant tout une œuvre intègre, affichant clairement son anti-conformisme, tout comme la plupart des précédents travaux du cinéaste.

S’intéresser à Refroidi à 99% pousse d’ailleurs à se pencher dans le même temps sur l’oeuvre de Michael Ritchie précitée. Ces deux films produits par Joe Wizan et écrits par le scénariste Robert Dillon, formé à l’école de la série B américaine des années 60 (on lui doit, parmi ses travaux de jeunesse, le script du très sympa Man with X ray eyes de Roger Corman), comportent en effet de nombreuses similitudes.

Première ressemblance frappante : l’intrigue. Elle est globalement la même dans les deux films. Soit celle d’un gangster, véritable dur à cuire, sommé par un parrain local d’éliminer un rival aux méthodes particulièrement vicieuses. Plusieurs séquences du film de Michael Ritchie sont d’ailleurs savamment dupliquées ici. Citons la séquence d’ouverture, s’attardant sur les méthodes d’éliminations physiques employées par Oncle Frank et Big Eddie (séquence dont l’idée principale – celle d’un cimetière sous-marin pour victime des guerres de gangs – sera ultérieurement revendiquée par Sergio Leone), qui nous renvoie directement à la mémorable scène couvrant le générique de début de Carnage, descriptif de l’exécution d’un gangster, littéralement passé à la moulinette par le redoutable « Mary-Ann », proxénète et directeur d’une usine de conserve de viande à ses heures perdues. Ou bien encore l’affrontement final entre Harry Crown et Big Eddie, à l’intérieur d’une inquiétante blanchisserie, véritable décalque de l’avant-dernière scène de Carnage, une sanglante confrontation, dans l’usine de conserve précitée, entre Nick Devlin, personnage principal du film, et « Mary-Ann ».

De la même façon, Refroidi à 99% récupère, avec malheureusement beaucoup moins de succès, la plupart des seconds rôles de Carnage. Le personnage du frère totalement allumé de « Mary-Ann » prend ici les traits d’un tueur manchot non moins givré travaillant au service de Big Eddie. Quant à Harry Crown, il est flanqué d’un débutant plein de bonne volonté, tout comme précédemment son alter ego Nick Devlin dans Carnage. Enfin, on retrouve au cœur de cette guerre des gangs ce même personnage d’innocente prostituée venant exacerber les tensions tout en apportant une petite touche de romantisme, un rien trash, à l’ensemble.

Autre évident parallèle entre les deux films : l’étrangeté de son ton, entre burlesque, absurde et parodie, associé à une prédilection pour les clichés propres au film noir et les personnages plus grands que nature.

Tout cela était donc plutôt alléchant. Pourtant la mayonnaise ne prend pas. Principalement parce que Robert Dillon échoue dans sa louable tentative de pousser à l’extrême la recette de Carnage. Car la grande différence entre les deux films se trouve bien là. Les ingrédients sont les mêmes, mais assaisonnés jusqu’à la perte de goût dans le film de John Frankenheimer. Carnage ancrait ses personnages dans un univers rural réaliste, s’autorisant seulement, ici et là, quelques petites virées dans le grotesque et la démesure. Situé en milieu exclusivement urbain, Refroidi à 99% plonge ses protagonistes dans une ville fantôme presque irréelle (constituée en fait d’un mélange entre Los Angeles et Seattle), sans nom et, apparemment, sans forces de l’ordre dignes de ce nom (le seul passage du film dans lequel apparaît la police est, de façon ironique, la séquence du rassemblement de l’équipe d’Harry Crown avant l’affrontement final, au milieu de cet impressionnant défilé des forces de police locales). Participant à cette même démarche de radicalisation, les dialogues nagent constamment dans l’abstrait. Avec, malheureusement, pour conséquence, des personnages difficiles, voire impossible à cerner. Enfin, le décalage entre violence froide et comique parodique, qui faisait l’un des attraits principaux de Carnage, est ici exploité avec si peu de recul et de finesse que l’ensemble déconcerte finalement beaucoup plus qu’il ne séduit par son originalité.

Au final, Refroidi à 99% tourne à vide, sur une intrigue dénuée d’enjeu et de véritable tension dramatique. Et le fait que tout cela ne soit jamais vraiment drôle – à deux ou trois gags visuels près, essentiellement liés au personnage de « Claw » Zuckerman – n’arrange évidemment pas les choses.

Subsiste néanmoins quelques solides scènes d’action, sans doute inférieures à ce que John Frankenheimer nous livrera par la suite dans ce domaine, mais néanmoins réalisées avec un soin évident, et une interprétation qui, à défaut de toujours convaincre, demeure intéressante. Le cinéaste y retrouve en effet, pour la troisième et dernière fois, dix ans après Sept jours en Mai (et sa nomination à l’oscar du meilleur second rôle pour sa prestation), le toujours truculent Edmond O’Brien ainsi que l’un de ses interprètes de The Iceman cometh, Bradford Dillman, lequel, bien que n’apparaissant seulement qu’au bout d’une heure de film, balaye sans difficulté, dans le registre du cabotinage, les efforts de tous ses partenaires réunis. Quant à la nouvelle venue Ann Turkel (future madame Richard Harris à la ville), malgré l’inconsistance de son rôle, celle-ci récoltera une nomination aux Golden Globes 1975, dans la catégorie meilleure découverte féminine.

Quoi qu’il en soit, la critique, qui ne s’était déjà guère enthousiasmée pour le Carnage de Michael Ritchie, va unanimement détester ce Refroidi à 99%. Et l’oeuvre de John Frankenheimer se plantera royalement au box-office (au moins connaîtra t’elle une véritable distribution en salles, à la différence des deux précédents travaux du cinéaste). « Le film fut un échec. Vous le regardez et vous constatez que ce n’est pas une réussite au niveau réalisation. Je n’aurais pas dû m’essayer à ce type de satire » avouera de son côté John Frankenheimer, qui rencontra en outre quelques problèmes relationnels avec son acteur principal - acteur imposé par la 20th Century-Fox - en début de tournage.

Aujourd’hui pourtant, et à l’instar de certains autres échecs cuisants du cinéaste, Refroidi à 99% bénéficie d’une petite réputation de film culte. Certes le temps n’en a pas effacé les nombreuses imperfections. Mais sa singularité, alliée à l’émergence en Amérique, au cours des années 90, d’une certaine forme de cinéma « d’auteur » populaire, nourri à la pop-culture des années 60-70 (et dont le chef de file, Quentin Tarantino, est lui-même un grand admirateur du cinéma de John Frankenheimer), ont fait de ce drôle de polar satirique néo-noir psychédélique, sorte de lointain ancêtre de Pulp Fiction, une presque incontournable curiosité de son temps.


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