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THE CHALLENGE (1982)

(1) critique (2) commentaires
Manu le 07/10/2011 à 19:55
3.8
Réalisé par John Frankenheimer
Avec Scott Glenn, Toshirô Mifune, Donna Kei Benz, Atsuo Nakamura, Calvin Jung.
Film américain, japonais
Genre : Action
Durée : 1h 54min.
Année de production : 1982
Titre français : A armes égales
Musique : Jerry Goldsmith

Sortie Cinéma France : 01/09/1982
Sortie DVD France : n.c.

Les notes

3.8



 Critique THE CHALLENGE (1982)
Avis rédigé par Manu   |  le .   |  Note : 3.8
Un intervalle de trois ans sépare Prophecy de The Challenge. Période au cours de laquelle, loin d’être resté inactif, John Frankenheimer aura travaillé quelque temps à un projet de film sur la révolution cubaine avant de faire un bref passage sur le tournage de 200 000 dollars en cavale, reconstitution très libre d’un célèbre casse aérien du début des années 70 sur laquelle, après son départ, planchera également le téléaste Buzz Kulik (Le Chasseur) avant que Roger Spottiswoode, l’ex-monteur de Sam Peckinpah, ne se porte volontaire pour boucler le tout. Le cinéaste aura également manqué à cette époque un premier rendez-vous avec le Japon. En effet, un an avant qu’il n’entame la réalisation de The Challenge, le producteur Haruki Kadokawa avait envisagé de lui confier la réalisation du film catastrophe Virus, présenté alors comme la plus grosse production jamais tournée au Japon. On ne sait si John Frankenheimer fut verbalement sollicité mais c’est finalement Kinji Fukasaku qui réalisa le film.

A l’instar de Prophecy, on peut dans un premier temps se demander si le cinéaste ne s’est pas engagé dans cette nouvelle aventure plus par dépit que par conviction. L’intrigue ne semble guère briller par sa complexité. Le casting sent la série B, malgré la présence du légendaire Toshirô Mifune au sommet de l’affiche (lequel retrouve John Frankenheimer 15 ans après Grand Prix). Et le tout, produit en dehors du cercle des grosses majors hollywoodiennes, évoque plus une production visant prioritairement le marché de la vidéo qu’un film susceptible de triompher dans les salles obscures. Si on ajoute à cela quelques titres alternatifs rentre-dedans (Equal ou encore Sword of the Ninja) et des affiches promotionnelles au look souvent copieusement ringard, toute appréhension quant à un nouvel égarement du cinéaste du côté d’un cinéma de genre sans substance ni enjeu peut paraître totalement justifiée.

C’était pourtant sans compter sur l’intérêt qu’a toujours manifesté John Frankenheimer pour d'autres cultures que la sienne, ainsi que la présence à l’écriture de deux brillants jeunes scénaristes : Richard Maxwell, qui signera cinq ans plus tard le script du film le plus ambitieux de Wes Craven à ce jour, L’emprise des ténèbres, et John Sayles, futur réalisateur d’œuvres aussi essentielles dans le paysage cinématographique américain que Lone Star ou Limbo. Un talentueux duo d’auteurs auquel viendra officieusement s’ajouter sur le tournage au japon Ivan Moffat, l’un des trois scénaristes de Black Sunday.

Ainsi, ce qui s’apparentait à une série B d’action primaire se révèle, grâce à cette convergence de talents, tenir du meilleur cinéma de divertissement hollywoodien, de celui mélangeant avec le même soucis d’efficacité que d’intégrité action et réflexion. Pas un seul temps mort donc, avec au programme de multiples rebondissements et quelques remarquables séquences d’affrontements physiques. Mais aussi, et surtout, un soin particulier porté aux actions et réactions des personnages centraux, sources chez le cinéaste de nouvelles interrogations sur le choc des cultures et le poids des traditions.

La complexité de la culture nippone et les difficultés que nous autres occidentaux pouvons rencontrer dans notre tentative de l’appréhender : voilà l’épine dorsale de The challenge. Le sujet n’est pas neuf. Il revient même régulièrement au sein du cinéma américain, adoptant des formes aussi diverses que le récit historique, le polar, la comédie romantique ou encore la chronique sociale à tendance satirique. Mais rarement dans le domaine du cinéma d’action il aura été traité avec autant d’honnêteté et aussi peu d’à priori dans sa vision de la société japonaise, de ses rites, mœurs, us et coutumes.

La première force du film tient donc au regard attentif et respectueux porté par John Frankenheimer sur son sujet, lequel, comme à son habitude, se contente d’adopter une position d’observateur. Une neutralité qui ne l’empêche cependant pas de fustiger, une fois encore, l’égocentrisme américain à travers son personnage principal, un héros de film d’action pas vraiment comme les autres. Rappelant immanquablement le Popeye Doyle de French Connection 2 – film à considérer en quelque sorte comme le frère thématique de The challenge au sein de l’œuvre de John Frankenheimer – ce yankee impressionne effectivement bien moins par ses exploits physiques qu’à travers son incapacité totale à s’adapter à la culture japonaise.

Muré dans ses certitudes, guidé uniquement sur les deux tiers du film par la promesse de récupérer son argent et rentrer au plus vite chez lui, le personnage principal va ainsi voler d’impairs en erreurs de jugements. Manipulé par tous, totalement dépassé par les évènements, il finira certes bien par rallier le camp des justes, soit celui des défenseurs d’un Japon s’émancipant dans le respect de ses traditions. Mais, transgressant par là une règle suprême de ce type de divertissement visant à réconcilier deux cultures différentes, il achèvera son périple sans vraiment avoir acquis cette sagesse et cette noblesse d’âme dont s’imprègne invariablement tout bon héros venu d’occident lorsque arrivé au terme de son parcours initiatique en terre étrangère.

Des leçons de tolérance, voire d’abnégation, The challenge n’en donne donc pas beaucoup. Il n’aurait d’ailleurs guère le temps de le faire même s’il le voulait car John Frankenheimer mène sa barque à vive allure, fermement, sans tergiverser (seul petit égarement du scénario : cet interlude romantique assez convenu à mi-film entre Rick et la fille de Toru,). En outre, il convient de noter que, sans jamais sombrer dans la complaisance, le film ne ménage pas non plus ses effets gore. On y étripe et décapite en effet à tour de bras dans la grande tradition du film de yakusa made in Japan.

Aussi bougrement distrayant et honnête soit-il, l’ensemble n’en demeure pourtant pas moins légèrement mineur dans la filmographie de son auteur, globalement moins marquant que, sur la période, ses deux séries noires à venir, 52 Pick-up et Dead Bang, deux œuvres plus riches dans leur contenu sous des dehors peut être plus classiques.

Sans doute manque t’il un brin de profondeur à The Challenge pour vraiment emporter l’adhésion. Car aussi bien dans sa description des personnages principaux que dans sa vision d’un Japon partagé entre modernisme et traditions millénaires, le film, s’il évite brillamment le piège des lourdeurs explicatives et stéréotypes ethniques, ne se perd pas non plus en nuances. Le style roublard du John Sayles des années Corman, mélange unique d’action sèche, de considérations sociales et d’ironie, vise l’efficacité avant tout et bride par conséquent légèrement les ambitions du film. Plus embêtant : à traiter son sujet avec un certain recul, en s’amusant par exemple à ironiser sur le contraste entre deux de modes de vie des frères Yoshida, le scénariste de Piranhas ne sert finalement pas toujours au mieux le film, la mise en scène au seul premier degré de John Frankenheimer finissant par souffrir de ce décalage de traitement jusqu’à paraître guindée dans son intégrité.

Il n’empêche que la personnalité du cinéaste demeure l’atout principal du film, celle-ci s’exprimant donc fortement dans le fond, mais également dans la forme. Et notamment dans le soin avec lequel il filme la ville de Koyto. On sent en effet le plaisir qu’il prend à intégrer son boy-scout de Rick à cet univers urbain grouillant, presque hostile, comme il l’avait précédemment fait pour Popeye Doyle et Marseille. Avec deux scènes marquantes à cet égard : celle de la course poursuite à travers le marché aux poissons et, plus tard, celle du défilé débouchant sur le kidnapping de Akiko.

Enfin, quinze ans après Seconds, ce film marque les retrouvailles du réalisateur avec le compositeur Jerry Goldsmith (celui-ci aurait dû entre temps signer la partition de Grand Prix s’il n’avait été appelé à la dernière minute sur La Canonnière du Yang-Tsé, en remplacement d’Alex North). Une réunion des plus fructueuses puisque le musicien, à cette époque au sommet de son art, signe sans doute là dans le registre du cinéma d’action l’une de ses compositions les plus riches et les plus percutantes.

Après 3 jolis succès commerciaux (French Connection 2, Black Sunday et surtout Prophecy), John Frankenheimer va malheureusement retrouver les oubliettes du box-office avec ce film. Sorti discrètement en Amérique au cours du mois de juillet 1982, The challenge rapportera là bas à peine plus de 3 millions de dollars. Plus désolant encore, il se verra amputé d’une bonne vingtaine de minutes pour sa diffusion télé, dans le but d’en évacuer les passages les brutaux.

Aujourd’hui, alors que beaucoup de travaux de John Frankenheimer connaissent progressivement une certaine réhabilitation, et malgré le regain d’intérêt du public occidental pour le cinéma japonais des années 60-70, courant auquel, dans une certaine mesure, se rattache The challenge, cet opus non négligeable dans l’œuvre du cinéaste américain demeure encore un objet rare pour cinéphile. Sorti chez nous en vidéo il y a une vingtaine d’années dans une copie épouvantable (avec une jaquette créditant à la réalisation un certain John Srankenheimer, et annonçant, dans les rôles principaux, la présence de Toshero Mifume, Dona Kei Benz et Itsuo Nakamura), il n’a depuis connu aucune réédition vidéo, sans même parler d’une sortie DVD. Enfin, est-ce pour cette raison, mais Jean-Pierre Coursodon et Bertrand Tavernier l’occulte totalement de l’analyse qu’ils consacrent au cinéaste dans leur référentiel 50 ans de cinéma américain.


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